Chaque couverture cache mon avis sur le livre
Mes gros coups de cœur ♥♥♥
Ceux que j’ai beaucoup aimés ♥
Les bien aimés
Et les autres…
Michel, Patricia, Marie-Thérèse et Joseph font partie des 2000 enfants réunionnais qui, entre 1962 et 1984, ont été retirés à leurs parents et emmenés en métropole pour repeupler certains départements ruraux victimes de l’exode rurale. Les enfants étaient déclarés Pupilles de l’Etat et leurs parents n’avaient plus aucun droit sur eux. Les services sociaux assuraient alors qu’ils partaient pour une vie meilleure, une bonne éducation, qu’ils seraient élevés dans des familles aimantes et reviendraient de temps en temps sur l’Ile. Malheureusement, ces jeunes enfants ont surtout servi de main-d’œuvre exploitée et gratuite dans les fermes. La plupart ont subi des sévices, comme Marie-Thérèse et Joseph, rebaptisés Marie et Florent par les fermiers René et Martine Brouillet qui vont les battre, les affamer et les faire travailler jusqu’à l’épuisement. C’est leur vie que l’autrice, journaliste, raconte dans son premier roman par la voix de Marie-Thérèse, enfant à Ceyroux dans la Creuse et lorsqu’âgée et malade, elle revient à la Réunion pour participer à un événement commémoratif.
Un excellent roman parfaitement documenté. L’écriture est agréable, les poèmes de Joseph Gosse que l’autrice a glissé entre les pages du roman ajoute beaucoup de profondeur et de force à ce texte. L’histoire est glaçante car l’autrice ne l’a pas exagérée, les témoignages des « enfants de la Creuse » sont terribles. Il n’est pas difficile d’imaginer la souffrance, le chagrin de ses petits, arrachés à leurs mamans, le plus souvent séparés de leurs frères et sœurs, dans un pays hostile et froid où ils sont moqués, maltraités sans aucun espoir de retrouver leurs familles. Un livre à lire pour ne pas oublier !
Danses avec tes chaînes / Anaëlle Jonah – Editons Fayard – août 2024 – 470 pages
Eilis Lacey est irlandaise et a émigré aux USA dans les années 50 pour trouver un boulot (aventure racontée dans Brooklyn, paru en 2009). Une vingtaine d’années plus tard, on la retrouve dans un quartier pavillonnaire de Long Island, mère de famille confortablement intégrée, mariée à Tony un plombier italien, mère de deux ados et appréciée dans son travail.
Un jour pourtant, un homme frappe férocement à sa porte, il lui apprend être le mari de la femme que Tony a mise enceinte et lui promet de leur déposer le bébé dès sa naissance. Sonnée Eilis ne parvient pas à engager la conversation avec son mari qui fuit la confrontation. Mais lorsqu’elle apprend que sa belle-mère a décidé de garder l’enfant et que toute la belle-famille est au courant et d’accord, elle décide de partir. Sa mère fête bientôt ses 80 ans, l’excuse est toute trouvée, Eilis s’envole à Enniscorthy, en Irlande sur les terres de son enfance mais pas seulement. Car quelques années avant nous raconte Brooklyn, un été, suite à un drame familial, Eilis avait dû revenir auprès de sa famille, elle avait caché être mariée et elle avait eu une relation avec le beau Jim Farrell. Mais Tony l’attendait en Amérique et elle avait fui sans une explication, sans se retourner, laissant le pauvre Jim avec ses questions et son chagrin. Alors évidemment son retour, seule avec ses enfants fait parler car dans cette petite ville, tout le monde se connait et sait tout de tous. Comment va-t-elle se sortir de ces situations ? Rester en Irlande, retourner aux USA ? Jim, Tony ? Et ce bébé ? Eilis va devoir répondre à beaucoup de questions.
Un de ces romans sur lesquels parfois j’ai envie de tomber. C’est un plaisir à lire parce que la construction n’est pas tarabiscotée, la langue non plus, on comprend vite et bien, les personnages nous ressemblent, les émotions, les sentiments sont universels. Il n’y a pas d’effort à fournir, comme un bon « film pas prise de tête » à la télé. 400 pages avalées d’un coup, c’est bon signe et puis la dernière page tournée, on ne se fait plus de souci pour les personnages, on a passé un bon moment et on le garde en tête pour le conseiller à une copine comme un chouette bouquin.
Je n’avais pas lu Brooklyn avant et ça ne m’a pas gênée du tout, mais maintenant j’ai envie de le lire !
Long Island / Colm Toibin – Editions Grasset – aout 2024 – 400p
Une éclipse, c’est « la disparition temporaire d’un astre dans l’ombre ou la pénombre d’un autre », nous dit le Larousse.
Pourquoi Camille disparait un jour lors d’une balade familiale en forêt, abandonnant son bébé Rose et son mari ? On ne peut que l’imaginer car ce n’est pas du tout le propos.
Dans ce roman, c’est le parcours de Camille qui intéresse l’autrice, le chemin qu’elle emprunte au sens propre et figuré pour se (re)construire. Et c’est au Nord de la planète, dans un pays lointain qui n’est pas révélé mais qu’on devine être l’Islande, que Camille va se ressourcer isolée au cœur d’une nature sauvage et rude où elle va (re)prendre (sa) vie au pied d’un volcan.
Une femme qui abandonne son enfant est folle, droguée ou perdue, pourtant ici on ne juge pas. Camille est un personnage de roman auquel on s’attache. Evidemment au début de l’histoire on a une pensée pour Rose et son papa, on imagine toutes les émotions par lesquelles passe la famille, on réfléchit à la gestion de ce genre de crise et puis on accompagne Camille une johatsu française dans son évaporation d’abord puis pas à pas dans sa reconstruction.
Et puis qui n’a jamais pensé à disparaitre un jour ? Un roman à lire !
L’éclipse / Sarah Bussi – Editions Julliard – aout 2024 – 256p
La fille du miroir s’appelle Charlotte et le roman s’ouvre sur une scène de violences conjugales, son compagnon l’a bien amochée, ce sera la dernière fois. Charlotte fuit, elle ne figurera pas sur cette liste terrifiante des femmes mortes sous les coups d’un homme. Aux urgences où elle est prise en charge directement grâce à dispositif expérimental, Charlotte raconte, elle retourne sur les chemins de son adolescence puis marche dans ses pas d’étudiante jusqu’à son entrée fracassante dans sa vie d’adulte. Charlotte a traversé des périodes difficiles, très difficiles voire insurmontables. Et comme la plupart des gens, elle les a surmontées parce que Charlotte est une femme de tempérament, une femme forte et libre. Alors comment en est-elle arrivée à accepter l’intolérable ?
De Cathy Borie, je n’ai lu que Ana, que j’avais beaucoup aimé ♥ Cette fois encore, c’est un beau portrait de femme que nous livre l’autrice, une femme comme une autre, avec des joies et des peines, des drames mais qui, à un moment de sa vie, perd pied et ploie sous les coups d’un homme. Un roman dans lequel on s’intéresse plus à la victime qu’au bourreau, et avec empathie on s’attache à Charlotte et grâce à elle à toutes les autres femmes victimes des hommes.
Quel drôle de monde où certains hommes pensent avoir le droit de brutaliser, de violer, de battre à mort, leur femme, leur ex-femme, la femme qui les quitte, la femme qui les trompe, la femme qui ne veut pas d’eux ! Où à certains endroits de la planète, les femmes n’ont pas le droit de marcher seules dans la rue, d’étudier, de se soigner, ni même de parler dans la rue, parce qu’ainsi l’ont décidé certains hommes ! Quel triste monde 🙁
La fille du miroir / Cathy Borie – Editions Rémanence – juillet 2024 – 230p
Le printemps en moins c’est celui qu’aura passé Gabriel dans le coma suite à sa défenestration volontaire.
Tentative d’oublier et de se faire oublier.
Tentative d’échapper au harcèlement, aux insultes, aux humiliations subies sur les réseaux et dans les couloirs du collège Rosa Park.
Ce 5 mai, Gabriel a enjambé la fenêtre d’une salle de classe vide et s’est écrasé dans la cour. De son coma il lui reste des voix celles de Perrine l’infirmière, de Romane la prof de français qui a appelé les secours juste après avoir déposé sa veste sur le visage de Gabriel pour que sa photo de supplicié n’atterrisse pas sur tik tok, et celle d’Elias son meilleur copain qui ne savait pas. La voix de Martin son père qui souffre de la douleur de son fils, de n’avoir rien vu, de ne pas avoir protégé son garçon. Nous n’entendrons pas la voix de sa mère mais j’espère qu’elle était là aussi.
Un roman bouleversant lu en 2 heures parce qu’impossible à lâcher. Des chapitres courts se succèdent, le narrateur donnant voix à Gabriel, à Romane… Martin, quant à lui, parle à la première personne, ce qui renforce la sincérité et l’émotion de ses mots.
Un petit livre choc sur un sujet tellement éprouvant ! C’est un roman tout en pudeur que nous livre l’auteur puisqu’il nous épargne les détails des horreurs vécues par Gabriel, ce qui permet au lecteur de ne pas sombrer, de rester digne pour accompagner le personnage dans cette épreuve. Un coup de cœur ♥
Anecdote : L’auteur m’a contactée sur les réseaux pour me remercier de mon billet et j’ai pu lui demander pourquoi la mère était restée silencieuse.
Voici sa réponse : « C’est souvent (toujours ?) le point de vue des mères qui est donné face aux harcèlements, il me semblait intéressant de donner une voix à un père. Et c’était plus facile… le choix étant fait, le risque était la redondance si je donnais aussi une voix à la mère. Choisir, c’est renoncer ».
Un printemps en moins / Arnaud Dudek – Editions Les Avrils – septembre 2024 – 128p
Gertrude Bell a eu un destin incroyable : « aventurière, archéologue, espionne, parlant l’arabe et le persan, elle fut la première femme puissante de l’Empire britannique ». « Vous ne la connaissez pas, pourtant elle a tenu le monde entre ses mains. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, Gertrude Bell a dessiné les frontières de l’Orient ». Elle fait son premier voyage en Perse en 1892, elle a alors 23 ans, elle va y croiser des personnages illustres et finalement participer à toutes les négociations jusqu’à devenir indispensable à la création de l’Irak.
Je n’ai pas su apprécier cette lecture : les chapitres consacrés à la situation géopolitique sont denses, didactiques et complexes ; j’ai eu l’impression de lire un ennuyeux cours d’histoire sur la construction du Moyen-Orient. Quant à ceux accordés à Gertrude, ils sont trop peu nombreux pour permettre de s’attacher à son personnage, la chronologie des chapitres a achevé de me lasser.
Les lecteurs férus d’histoire, de géopolitique ou concernés par cette région trouveront à Mesopotamia de grandes qualités documentaires.
Mesopotamia / Olivier Guez – Editions Grasset – aout 2024 – 416 pages
Madelaine est arrivée devant la ferme juste avant l’aube. La vieille Rose et Bran avait senti sa présence, Rose avait mis dehors une soucoupe de pain mouillé pour l’attirer. Madelaine est une petite fille seule, affamée, sortie de l’obscurité de la forêt, un cadeau du ciel pour Ambre qui souffre de ne pas être mère et qui regarde les fils de sa sœur jumelle Aelis avec douleur. Aux Montées, il y avait 3 fermes ; celle de Rose, celle de Ambre et son ivrogne de mari Léon, et enfin celle d’Eugène, Aelis et leur 3 fils Germain, Artaud et le petit dernier Mayeul. Madelaine trouve une famille aux Montées ; sa beauté, sa naïveté, sa liberté, son énergie réveille ce petit monde soumis au maître d’Ambroisie, impitoyable propriétaire des terres qui les taxe, les frappe, les tue et viole les femmes. Mais la petite Madelaine ne comprend pas pourquoi il faut craindre le maître, elle n’a pas peur, alors elle désobéit et s’oppose, jusqu’au drame. Dans ce monde rural isolé, les paysans sont soumis aux maîtres, au labeur, à la météo, à la nature ; les assiettes sont souvent vides et les couches gelées. Ce roman, c’est l’histoire du Monde : injustice, douleur, violence, mort et au milieu l’amour et l’émotion de petits bonheurs.
Décidément, j’aime l’écriture et les histoires de Sandrine Collette ♥ Je me suis régalée avec On était des loups et Et toujours les forêts, il m’en reste pas mal à lire ♥
Madelaine avant l’aube / Sandrine Collette – Editions JC Lattès – aout 2024 – 252p
Le premier roman d’Alice Develey, journaliste littéraire au Figaro, est un roman très intime, puisqu’il est nourri de son expérience. Alice a 14 ans et elle est anorexique. Le remplaçant de son médecin traitant décide un jour de son hospitalisation. Une annonce brutale, incomprise mais indiscutable, Alice pèse 36kg et sa vie est en danger. Alice rejoint donc le service pédiatrie de l’hôpital, elle partage un dortoir avec d’autres « oiseaux tombés du ciel », écrasés par le poids de leur trouble alimentaire, coupés de leur famille, de leurs ami-e-s, exfiltrés de leur vie. Chaque bouchée avalée, chaque kilo gagné donne droit à une récompense : visite, une sortie. Le mal d’Alice porte un nom : elle l’a prénommé Sissi, la voix qui l’emplit, l’exhorte à ne pas manger, à disparaître. Alice pour supporter tout ça ou parce que c’est insupportable enfonce des lames profondément dans sa chair. Mais elle subit aussi la violence de l’hôpital, attachée, entravée, droguée (Risperdal Xanax, Tiapridal) Difficile d’endurer cet enfermement malgré l’amitié de Luce, Solène, Adèle, Candice…
Ce livre n’est pas un témoignage au sens où on l’entend, l’autrice ne raconte pas son enfermement, mais il témoigne de la violence de cette maladie et de la prise en charge des patient-e-s par les soignants au pire maltraitants au mieux indifférents ; certaines scènes sont éprouvantes, insoutenables. Mais Alice s’en est sortie, Alice a réussi à faire taire Sissi. Un roman différent, déchirant et nécessaire !
Tombée du ciel / Alice Develey – Editions de l’Iconoclaste – aout 2024 – p196
Juliette parisienne trentenaire vient passer quelques jours chez son père dans sa ville natale. Sa chambre d’ado n’a pas changé, son père est toujours un peu à l’ouest, sa sœur toujours submergée par sa vie de famille et sa mère a trouvé un nouvel amant. C’est dans cette ambiance survoltée que Juliette, fragile, déprimée cherche les réponses à ses angoisses. Au cours de ses flâneries dans les rues de son enfance, des repas partagés avec sa famille, des rencontres improbables, des secrets révélés, des souvenirs familiaux sur les chemins de son passé, Juliette se reconstruit.
Un très joli roman graphique ; le texte, les illustrations, les couleurs, tout est doux, tendre, poétique. La mélancolie se glisse dans les pas de Juliette et entre les pages que l’on tourne doucement pour ne pas l’effaroucher. Une tranche de vie dans une famille de Province, une famille normale finalement, avec des disputes, des jalousies mais des rires, et surtout de l’amour ♥
Juliette, les fantômes reviennent au printemps / Camille Jourdy – Editions Actes Sud BD – février 2016 – 240p
Rebecca Lighieri est le nom d’emprunt d’Emmanuelle Bayamack-Tam. Sous ce nom, elle a écrit une dizaine de romans noirs, sombres, puissants, addictifs, dont Il est des hommes qui se perdront toujours (2020), Les garçons de l’été (2017), Husbands (2013), que j’ai adorés ♥ Cette fois encore, je me suis régalée. Armand et Birge forment un couple idéal. Acteurs de théâtre talentueux flamboyants, appréciés, riches et beaux, ils consacrent leur vie à leur carrière. De cet amour est née Miranda, fille unique, jeune adulte au début du roman. Dans une première partie, Armand nous parle de lui, de son couple mais surtout de sa fille ; frêle, introvertie, timide, sans éclat, fagotée comme l’as de pique, Miranda est loin de l’aura de ses parents. Et son père s’en inquiète quand sa narcissique de mère s’en désintéresse. Dans la seconde partie, c’est au tour de Miranda de se raconter et on découvre une jeune fille bien loin du portrait insipide, morne et ennuyeux dressé au début du roman. Volontaire, manipulatrice, déterminée et dotée de pouvoirs surnaturels, Miranda n’en est pas moins paumée à l’image de Amy Winhouse à laquelle elle s’identifie et le clan des 27 auquel Miranda pense appartenir.
Un coup de cœur ♥ (et j’en suis ravie, tant je déteste être déçue) J’aime tout chez cette autrice, son écriture, sa justesse et la façon dont elle traite la noirceur, avec une sorte de détachement qui me permet de profiter pleinement de l’histoire sans être submergée par des émotions viscérales. Je ne larmoie pas en lisant un roman de Rebecca Lighieri ; je me régale, je me lèche les babines, je me délecte, je savoure. Vivement le prochain ♥
Le club des enfants perdus / Rebecca Lighieri – Editions P.O.L – aout 2024 – 515p