Mathieu Amalric filme Mathieu Amalric qui filme Jeanne Balibar qui joue Barbara. Ah et puis aussi pour finir de nous embrouiller et faire définitivement tourner nos têtes, de vraies images de Barbara sont immédiatement rejouées par Jeanne Balibar ; les moments du film que j’ai beaucoup préférés. J’aime les chansons de Barbara, je sais reconnaître sa silhouette et ses longues mains qu’elle approchait de son visage dans de légères arabesques, je me souviens de sa voix, de ses mots hésitants, ses silences, ses longues pauses, mais je ne savais rien de plus et j’ai découvert une Barbara vivante, drôle, capable d’autorité et de caprices. J’ai trouvé le film très artistique et l’actrice très belle mais je n’ai pas été touchée ; tout s’enchevêtre, s’emmêle, se mélange, se superpose… difficile de se laisser porter. Je l’ai tout de même regardé jusqu’à la fin, tout en faisant autre chose 😉
Lola regarde Rock’n Roll
C’est assez drôle ! Dommage que « ça se barre un peu en couille » à la fin. Et je me permets cette grossièreté parce que c’est avec cette partie de son anatomie que Guillaume Canet débute son premier film. Une auto-fiction dans laquelle il se met en scène avec Marion Cotillard et quelques uns de ses copains et brouille les pistes pour notre plus grand plaisir.
A 40 ans, Guillaume est interviewé par une journaliste du magazine Elle pour un film dans lequel il interprète le père de la petite nouvelle qui monte. Il a l’âge des 2 demoiselles réunies, qui ne manquent pas de le lui rappeler, et le chatouillent sur son côté acteur plan plan, père de famille, rangé et pas du tout Rock’n Roll. Voilà qui allume une mèche, et Guillaume Canet entame une course effrénée au jeunisme, un rattrapage de ses jeunes années, de ses rêves perdus. C’est plein de stéréotypes, c’est drôle et en même temps, ça parle d’un truc sensible, surtout dans ce milieu/monde où l’apparence compte tant, et où la fiction de Canet rejoint très souvent la réalité si on en juge par les transformations radicalement ratées de certains acteurs/actrices.
Lola regarde Woman at War ♥♥♥
L’Islande et ses paysages à couper le souffle : Fjords, glaciers, lacs, cascades, montagnes et les fameuses Miðhálendið, les Hautes Terres où la nature règne en maître absolue. Bienvenue dans le pays d’Halla, une prof de chant quinquagénaire, activiste écologiste ! Halla agit seule, elle prend tous les risques, parcoure des kilomètres à petites foulées avec son arc en bandoulière pour empêcher les hommes de détruire encore. Et puis, une lettre du bureau des adoptions où elle a déposé une demande 4 ans auparavant lui annonce que Nika, une fillette ukrainienne l’attend. Peut-on être une guerrière écologiste et mère ? La très recherchée Femme des Montagnes va devoir faire un choix.
Un beau portrait de femme déterminée, courageuse et sensible, porté par une superbe actrice. J’ai adoré les 3 musiciens de jazz et le chœur ukrainien qui accompagnent Halla tout au long du film, l’inquiètent ou la soutiennent, c’est génial ! Les paysages sont magnifiques et les personnages secondaires très intéressants.
Un gros coup de cœur pour ce petit bijou !
Lola regarde Raoul Taburin
Une petite comédie tendre, fraîche, délicate, adaptée de la BD de Sempé dont j’adore le trait et la naïveté des personnages. Le petit Raoul vit dans un village du Sud avec son papa facteur. Devenu grand, il tient l’atelier de réparation de bicyclettes, est mariée à la jolie Madeleine et père de deux charmants bambins. Raoul pourrait profiter de son bonheur mais un terrible secret le ronge. Raoul ne sait pas faire de vélo malgré sa réputation de grand cycliste qui s’est crée sur des malentendus. L’arrivée d’un photographe dans le village va bouleverser sa vie.
Une jolie histoire, de chouettes acteurs -Benoit Poelvoorde, Edouard Baer, Suzanne Clément- pour un film qui se regarde gentiment.
Lola regarde Jusqu’à la garde ♥♥♥
Dans le bureau de la juge, les Besson divorcent. Denis que son fils de 11 ans et sa fille de 18 ans accusent de violence et de harcèlement, s’offusque et s’étonne. Collègue et voisin amical, mari tristement abandonné et privé de ses enfants, il est accablé et réclame simplement le droit de voir Julien et Joséphine dont il ne veut que le bonheur. Pourtant l’avocate de Miriam demande la garde exclusive pour la sécurité des enfants et de sa cliente. C’est à la juge que revient la décision : Joséphine est trop grande pour être contrainte, elle a le choix mais Julien devra aller chez son père un week-end sur 2. C’est hyper angoissant parce qu’on comprend, très vite, que Denis est prêt à tout et on s’attend au pire. La tension monte, l’étau se resserre, on retient notre respiration, on a les nerfs en pelote et on se prépare, impuissant, à la cata.
Émotionnellement chargé, peu de mots, des échanges de regards très expressifs. Admirablement joué par Léa Drucker (sublime de retenue), Denis Ménochet (terriblement inquiétant) et le jeune Thomas Gioria (à fleur de peau). BRAVO à Xavier Legrand qui fait un carton plein pour son premier long métrage justement récompensé aux César 2019 ♥♥♥
Lola lit La boîte noire
Ito Shiori est une jeune journaliste japonaise. En 2015, elle a 26 ans, ses études aux Etats Unis et en Europe terminées, elle rentre au Japon pour trouver du travail. Elle fait la connaissance de Noriyuki Yamaguchi qui dirige l’antenne de Washington de la télévision japonaise TBS et lui assure qu’il peut lui trouver un poste. Il lui propose de le retrouver dans un restaurant à Tokyo pour en parler. Plus tard, Ito Shiori se réveille nue dans le lit d’une chambre d’hôtel au beau milieu d’un rapport sexuel avec Noriyuki Yamaguchi, elle n’a que peu de souvenirs de la soirée, quelques images lui arrivent par flash. Elle a été droguée, conduite inconsciente à l’hôtel et violée. Elle décide de ne pas se taire, elle parle, raconte, porte plainte et exige des excuses de Noriyuki Yamaguchi qui nie toute agression, et lui assure qu’elle était, évidemment, consentante. Elle trouve peu de soutien, tient bon, seule. Face au manque d’intérêt de la police, elle doit mener sa propre enquête, rassembler des preuves, interroger des témoins.
Ito Shiori prévient dès le début de son livre, que ce n’est pas juste le témoignage d’une victime de viol. Elle dit vouloir « parler, à visage découvert, pour toutes les femmes qui ont peur de le faire parce qu’ […] au Japon, ni la police, ni la justice ne soutiennent les victimes de crimes sexuels. le viol est tabou. » Elle souhaite apporter une aide réelle aux victimes, faire changer le regard des japonais sur les agressions sexuelles, faire bouger les lois de son pays quand celle sur les viols date de 1907. Elle dénonce »un système judiciaire et social où les victimes de crimes sexuels ne sont ni protégées, ni entendues ».
Depuis, il y a eu #Metoo, les témoignages se sont multipliés, la parole s’est enfin libérée, mais de façon inégale. Au Japon où près de 65 % des femmes harcelées sexuellement au travail ne le signalent pas, conservatisme, sexisme et inégalités perdurent et le pays se classe 110e sur 149 en matière de parité*. Cette lecture informative apporte un éclairage sur le traitement du viol et quasi-viol (?!) au Japon et on se rend compte qu’il y a encore pas mal de boulot !
*in 20 minutes
La boîte noire / ITO Shiori – Editions Picquier – avril 2019 – 240p
Traduit du japonais par Jean-Christophe Helary et Aline Koza
Lola lit Une sirène à Paris
Un été récent dans la capitale, des pluies torrentielles font déborder la Seine. Gaspard Snow attiré par une mélodie envoûtante, découvre une sirène blessée sur les quais. Sous l’emprise de son chant merveilleux, il la conduit aux urgences où il est pris pour un illuminé, reprend sa course à bord d’un tuk tuk volé, pour plonger Lula dans la baignoire de son petit appartelier. Commence alors une histoire de course contre la mort/mour 😉
Dans Une sirène à Paris, on trouve un Appartelier, des assomnifères et du vague à larmes, un surprisier qui fait visiter Paris à une Sirène en Tuk-tuk. On entre dans l’univers de Mathias Malzieu par une petite porte qui s’ouvre sur un monde fabuleux, peuplé de créatures enchantées. Un fois passé de l’autre côté, il faut accepter de se perdre dans l’inexplicable, de retourner dans l’enfance, d’ouvrir son cœur à la rêverie.
J’ai eu du mal à franchir cette petite porte, pourtant je sais avoir gardé l’émerveillement de l’enfance pour les histoires, mais le récit souffre un peu de l’accumulation de figures de style, ce qui le rend très convenu et plutôt scolaire. La comparaison avec L’Écume des jours de Boris Vian serait tentante, mais elle s’arrêterait aux mots-valises et si Mathias Malzieu semble emprunter le même chemin, il lui reste un peu de route. Bon finalement, j’ai décidé de me laisser emporter par ce joli conte, lu en quelques heures et qui me laissera sans doute un joli souvenir.
Une sirène à Paris / Mathias Malzieu – Editions Albin Michel – février 2019 – 240p
Lola regarde Petit Paysan

Le début est champêtre, on voit des vaches aux robes brillantes paître tranquillement dans des champs où l’herbe est verte et grasse, les petites fleurs nombreuses. On fait la connaissance de Pierre, jeune paysan trentenaire très attaché à ses godelles, qui a repris la ferme laitière de ses parents. Et là, je me suis dit « Aaaaaah non ! Pas 1h30 comme ça ! » J’ai eu peur d’être devant un film-documentaire-récit social sur la condition des paysans français. Je me suis demandé ce qui allait bien pouvoir éveiller mon intérêt. Hé bien, ça n’a pas traîné ! Rapidement, le film passe de bucolique à inquiétant, lorsque Pierre soupçonne une de ses vaches d’être atteinte de la maladie qui décime alors les troupeaux, il en parle à sa sœur vétérinaire (superbe Sara Giraudeau, toute en sensibilité) qui le tranquillise et le conjure d’arrêter de s’angoisser, mais Pierre n’est pas rassuré. Une tension s’installe, par la musique bien sûr mais surtout par les couleurs qui s’assombrissent, les scènes de nuit qui s’enchaînent. Le visage de Pierre, le Petit Paysan se durcit, lui le timide, étouffé par une mère envahissante, devient combatif et déterminé. Le docu devient thriller, et c’est une réussite ♥
L’acteur principal Swann Arlaud est impressionnant de justesse, je pense qu’il occupe 99% du film, pas une scène sans lui. Il est tellement authentique et crédible que j’ai pensé qu’il n’était pas acteur mais paysan. Il réussit à partager son attachement pour ses bêtes sans excès, moi aussi j’ai eu peur pour elles, je me suis inquiétée et la fin du film m’a émue. Un film vachement bien 😉
Lola lit Monsieur Origami
Une histoire toute simple – A 20 ans, Kurogiku quitte son Japon natal à la recherche d’une belle italienne à la chevelure couleur de geai, aperçue par la fenêtre. Il ne sait rien d’elle, juste ce mot Ciao, lancé dans la rue. Il part en Italie, avec pour seule fortune 3 graines de Kôzo, le mûrier à papier dont l’écorce sert à la fabrication du Washi, le papier japonais. 40 ans plus tard, devenu Maître Kurogiku, il perpétue ce savoir-faire ancestral, dans la ruine qu’il habite depuis son arrivée en Italie. Un jour, un jeune homme lui demande l’hospitalité, commence entre eux une relation faite de respect, de contemplation et de peu de mots.
Un très court premier roman, tout plein de zénitude, de dépouillement, de silence, de bon sens, de poésie, d’harmonie. 158 pages, 3 parties construites comme de longs haïkus.
Monsieur Origami/Jean-Marc Ceci – Editions Gallimard – août 2016 – 158p
Lola lit Les 7 mariages d’Edgar et Ludmilla
C’est l’histoire d’Edgar et Ludmilla, racontée par le mari de leur fille unique Ingrid, qui a mené une enquête précise sur ses beaux-parents. Edgar et Ludmilla se sont rencontrés au fin fond de l’Ukraine où il faisait un reportage avec des amis. Les habitants du village avait été prévenus de l’arrivée d’étrangers, ils devaient se montrer prudents et muets. A l’époque le Parti décidait de tout. Ludmilla, considérée comme une folle par ses voisins ne voulut pas laisser passer sa chance de vivre une aventure extraordinaire, elle monta donc sur un arbre et attendit. Lorsque la voiture des français arriva, elle jeta ses habits et nue, marcha vers eux. Edgar sut qu’il reviendrait la chercher. Et il tint parole, il revint au village avec tous les papiers nécessaires, ils se marièrent rapidement avant de quitter le pays. Elle était aux anges, il était inquiet. Réussirait-il à la rendre heureuse après l’avoir arrachée à ses racines ? Elle, c’est sûr, serait heureuse à ses côtés, il l’avait sauvée. Il était préoccupé, inquiet, se sentait responsable, trop pour pouvoir profiter de cette belle histoire, ils ont fini par divorcer.
Alors Edgar et Ludmilla ont emprunté des routes parallèles ; elle a fait carrière dans l’opéra, elle avait un joli brin de voix et lui, dans les affaires. Ils sont devenus célèbres et riches, et à chaque fois que leurs routes se sont croisées, mariages et divorces se sont enchaînés. Ces deux-là s’aimaient mais avaient du mal à se comprendre.
On retrouve la belle écriture de Rufin, décidément très agréable à lire. Les mots s’enchaînent harmonieusement, précis, justes et tout en finesse. Un vrai bonheur à lire ! Et puis, quand on sait que l’Académicien s’est marié 4 fois, dont 3 avec sa femme, le roman nous offre une lecture différente, et on se demande souvent derrière quel trait d’Edgar il se cache. Nous sommes entraînés dans une aventure, des années 60 aux années 2000, aux quatre coins d’un monde peuplé de personnalités, Tapi, La Callas, Giscard, Philippe Tesson… qui rend ce récit vivant et authentique.
Les sept mariages d’Edgar et Ludmilla/Jean-Christophe Rufin – Editions Gallimard – Collection Blanche – mars 2019 – 384p
