Je n’ai pas lu un récit, ni un témoignage, ni un essai. J’ai eu l’impression de « lire » un peu tout ça mélangé, une conversation, une réflexion, comme si l’autrice me parlait de l’inceste, à travers son expérience bien sûr, mais aussi en citant quelques autrices, d’autres écrits, d’autres histoires. L’autrice m’a livré, en toute sincérité et avec vérité, ce qu’elle pensait de l’inceste, comment il pouvait être vécu, comment il « construisait » les victimes, le tout avec une certaine distance d’où s’échappe parfois, toute maîtrisée, la douleur d’une femme qui regarde la petite fille qu’elle a été.
J’en ressors tourneboulée parce que je n’arrive pas vraiment à mettre de mots sur cette lecture prégnante. D’habitude, les histoires d’inceste me bouleversent, me mettent en rage, me laissent pantelante (parce que j’ai 4 enfants, 2♀ et 2♂ ?). Mais Triste tigre est différent, parce qu’on sent que ce n’est pas une thérapie, ni un désir de vengeance, ce n’est pas pour se consoler, ni pour enseigner, il n’y a pas de compte à régler, c’est juste posé là pour être lu et ça résonne pour moi dans cette phrase page 113 » Je suis comme ci et comme ça, et tous ces ci et ça dérivent directement de l’enfance que j’ai eue. »
Triste tigre / Neige Sinno – Editions P.O.L – aout 2023 – 288p




May et Chérif nés au Maroc, ont étudié à Paris. Histoire pour l’une, architecture pour l’autre, tous deux décident de retourner dans leur ville d’origine lorsque May tombe enceinte de leur deuxième enfant ; Casablanca verra donc naître Selma, leur petite fille tant attendue et à laquelle May qui tient un journal de grossesse, écrit chaque jour. En arrivant au Maroc, Nessim un lointain cousin propose à Chérif de travailler sur le projet de réhabilitation d’un bidonville qui défigure la ville. Une chance pour Chérif et son ami Pierre qui voit en ce projet une opportunité de faire connaitre le cabinet d’architecture qu’ils comptent installer. May n’est pas du même avis ! Où vont aller les habitants du karyane d’El Bahriyine ? May est allée à leur rencontre et a découvert la vie des bidonvillais que ce projet de recasement ne leur convient pas. Chacun d’eux a organisé sa vie dans le bidonville et survit grâce à des petits boulots (pêcheur, chiffonnier, couturière, la solidarité y est importante, la promiscuité de la ville et de l’océan aussi. May s’attache à plusieurs d’entre eux, essaie de détourner Chérif de ce projet qu’elle réprouve.











