Lola lit La petite fille

Kaspar, la soixante-dizaine, libraire à Berlin vient de perdre sa femme. Dans la petite pièce où Birgit aimait écrire, il tombe sur des notes et découvre son lourd secret. Lorsqu’en 1965, Birgit avait quitté la RDA pour passer à l’Ouest où l’attendait l’amoureux Kaspar, elle avait laissé un bébé. Depuis, cet abandon la hantait et elle hésitait à retrouver sa fille. Kaspar décide de partir à sa recherche. Son enquête le conduit dans une communauté völkisch, un « mouvement qui met l’accent sur le caractère spécifique, exceptionnel, mystique du peuple allemand et le maintien de ses traditions ». Là, on est convaincu de la supériorité des Allemands, des liens de sang, de leur langue et de leur culture. Svenja, la fille de Birgit, a épousé un néo-nazi, et élève leur fille Sigrun dans le culte d’Hitler. A peine adolescente, Sigrun affirme haut et fort ses convictions : les étrangers sont trop nombreux et sont la cause des malheurs de l’Allemagne, le Journal d’Anne Frank est faux, et la cruelle et perverse Irma Grese surnommée «la hyène d’Auschwitz» une héroïne. Antisémite, raciste, complotiste, Sigrun est loin du milieu de ce grand-père cultivé qui grâce à l’argent qu’il donne au cupide mari de Svenja peut passer du temps seul avec sa petite fille. Il voudrait l’aimer pour Birgit et pour lui aussi. Elle est intelligente, alors il va essayer de l’ouvrir au monde, l’emmène au musée, lui paie des cours de piano, lui fait découvrir la ville, l’interroge sans la brusquer, ni critiquer les choix de ses parents.

Bernhard Schlink est un auteur allemand dont j’aime les romans. Je lui trouve des qualités formidables ; sa plume est au service des histoires qu’il raconte merveilleusement, ses personnages sont riches, fouillés, attachants, les décors authentiques. Ici encore, on retrouve des éléments riches de l’Histoire, la vie dans l’Allemagne coupée en deux avant la Chute du Mur, la montée de l’extrême droite, mais aussi plus simplement les relations entre un grand-père et sa petite-fille.

Bernhard Schlink a de grandes qualités de conteur. Son écriture est au service des histoires qu’il raconte, ses personnages sont riches, fouillés, attachants, et les décors authentiques. Après Le liseur, Olga, et Couleurs de l’adieu, encore un excellent moment de lecture !

La Petite-Fille / Bernhard Schlink – Editions Gallimard – Collection Du monde entier – 338 p.

Die Enkelin traduit de l’allemand par Bernard Lortholary

Lola lit Les manquants

Un manquant dans le vocabulaire viticole, c’est un cep de vigne mort ou déficient qui laisse un trou. Dans ce roman, Thomas a disparu mais je n’ai pas eu l’impression qu’il « manquait ».

Deux ans après, alors que Claire n’a jamais signalé cette disparition officiellement, elle est convoquée avec Joan et Hélène, deux amies du couple. La police qui enquête sur le meurtre de Marie S. (survenu 2 mois avant la disparition de Thomas) est remontée jusqu’à la piste de Thomas. Les trois femmes se livrent chacune leur tour sur leurs liens avec Thomas : l’une unie à lui par le mariage, l’autre par une amitié trouble et la dernière par une relation pas si simple. Mais qui était-il vraiment ? 

L’écriture est fluide et agréable mais le texte manque de rythme et de piquant, j’ai trouvé l’ensemble répétitif, long et monotone, presque ennuyeux. Il m’a manqué quelque chose pour être happée. Le sort de Thomas ne m’a pas vraiment intéressée, sa disparition anecdotique est plutôt l’occasion de parler de la vie des trois amies dont les vies auraient pu faire un roman passionnant : Claire a repris le vignoble de ses parents et s’est découvert une véritable passion, Hélène actrice inconnue vend ses charmes pour vivre, Joan exilée américaine sans papier joue à cache cache avec les services d’immigration. Au moment du roman, elles ont créé une communauté sur le modèle de la Commune de Tolbiac nous indique l’auteure dans l’épilogue. Mais ma curiosité n’a pas du tout été piquée ! Malgré cet avis mitigé, j’ai envie de découvrir les autres romans de cette autrice que je ne connaissais pas.


Les manquants / Marie Eve Lacasse – Editions Seuil – mars 2023 – 256p

Lola lit Crépuscule

Qu’il est lugubre et glauque le nouveau roman de Claudel. Tout ce que j’aime ! Aux frontières de l’Empire, dans un village éloigné et isolé balayé par le vent et la neige, le curé est retrouvé mort, la tête fracassée par une pierre. Ce sont les enfants du sabotier, Lemia et Douri qui donnent l’alerte. L’inspecteur Nourio et son adjoint Baraj sont chargés de l’enquête. Ce meurtre ébranle les communautés religieuses du village ; d’ailleurs, le Vicaire fait le déplacement et une grande marche est organisée qui emprunte un trajet curieux, s’arrêtant devant chaque maison de musulmans. L’Iman appelle à la vigilance, il sent bien que la tension monte, la fureur gronde et fait craindre des débordements. Mais évidemment, personne ne l’entend, si sa communauté n’a rien à se reprocher, il ne lui arrivera rien. C’est sans compter sur la bêtise et la folie des hommes !

Une atmosphère irrespirable, des passages écœurants, pas mal de trucs sexuels sordides (était-ce nécessaire ?), la mocheté des hommes, pour un roman qui m’a souvent mise mal à l’aise mais que j’ai lu parce que décidément j’aime beaucoup l’écriture de Claudel ♥


Crépuscule / Philippe Claudel – Editions Stock – janvier 2023 – 352p

Yaki lit L’orpheline de Foundling 

Dans le Londres du XVIIIème siècle, Beth, marchande de crevettes, se retrouve enceinte d’un marchand après une aventure d’un soir. Sans ressource, elle se voit contrainte de déposer sa fille sitôt née à l’orphelinat de Foundling. Quand six ans plus tard, après avoir économisé sou après sou, elle retourne chercher sa fille, celle-ci ne s’y trouve plus. Une autre femme se faisant passer pour elle l’a réclamée le lendemain de son abandon provisoire. Beth est bien décidée à récupérer sa fille et son entêtement va la conduire au service d’une femme recluse dans sa maison.

Le récit est construit par la voix de deux femmes, Beth et Alexandra qui racontent tour à tour leur histoire. Beth est un personnage attachant, qui n’a pas froid aux yeux. Alexandra est une femme brisée qui cache un lourd secret. L’intérêt du roman au-delà de l’histoire vaut par la description de l’époque, des différents milieux sociaux dont sont issues Beth et Alexandra. Le récit est fluide et agréable à lire. Un bémol pour une fin un peu trop « happy end » en décalage avec le reste du récit. Un bon moment de lecture !

#grandprixdeslecteurspocket


L’orpheline de Foundling / Stacey Halls –

Yaki lit Le pavillon des combattantes

Dublin, 1918. Alors que la guerre en Europe fait toujours rage, un autre combat se tient dans les hôpitaux, un combat contre une terrible grippe mortelle. Julia est infirmière dans une maternité où elle aide les femmes malades à accoucher. Il y a des femmes qui survivent, d’autres qui meurent, des bébés qui naissent vivants, d’autres pas ! La tension est constante, les soignants, eux-mêmes malades, se font rares ! Julia est seule ou presque. Une jeune femme bénévole, Bridie, l’assiste avec toute la ferveur dont elle est capable. Et de temps en temps, le Dr Lynn passe prodiguer quelques conseils et ausculter les patientes et leurs bébés.

C’est un roman vraiment très prenant qui trouve évidemment son écho dans la crise du covid, même s’il a été commencé avant la pandémie. Le récit écrit à la première personne nous plonge au cœur de l’action et nous permet de découvrir un contexte historique bien décrit et les conditions de vie très difficiles de l’époque. Une partie des hommes est encore au front, certains sont rentrés défigurés, transformés et peinent à retrouver une vie « normale ». Les personnages, presque exclusivement féminins, sont forts, touchants. Les femmes soignantes se donnent sans compter malgré l’effroi, la fatigue et leurs conditions de travail compliquées. Les descriptions sont parfois « crues » et il ne faut pas avoir peur de la description très « clinique » des accouchements. Bouleversant ! #grandprixdeslecteurspocket

Lola l’a lu aussi et a beaucoup beaucoup aimé ♥ 


Le pavillon des combattantes / Emma Donoghue – Les Presses de la Cité – 2021 – 336p – traduction Valérie Bourgeois

Lola lit Le livre de Liane

Le livre de Liane est inspiré de l’histoire tragiquement vraie de Diane Lemaitre, la vingtaine qui s’est suicidée le 4 mai 2016 suite à des années de harcèlement scolaire. Mais ça, dans la famille, personne ne le savait car Diane n’en avait jamais parlé.

Le roman commence le 1er mai 2018, juste avant minuit, Louise, expatriée à Singapour, attend avec impatience les messages pour son anniversaire. Qui cette année va être le premier ? Son père évidemment ! Mais ce n’est pas pour lui souhaiter son anniversaire, mais pour lui apprendre le décès par suicide de sa sœur Liane. Sous le choc, la narratrice attrape le premier avion et au terme d’un voyage de 16h, elle débarque à Toulouse avec James, son amoureux. Commence alors le terrible parcours de ceux qui restent et ne comprennent pas. Comment est-ce possible que personne ne se soit rendu compte de la détresse de Liane, n’ont-ils pas perçu les signes, entendu les messages ? Dans l’appartement de Liane, Louise et son père trouvent son journal, ainsi que des rapports médicaux et d’anciens dépôts de plainte. Louise se lance alors dans une enquête, elle veut comprendre et surtout retrouver cet homme louche qu’elle a aperçu au cimetière et qui n’est sûrement pas étranger au drame. De retour à Singapour et malgré les récrimination de James et de son patron, Louise avec l’aide de Maeva, la petite amie de Liane, remonte les années de calvaire de sa sœur presque jumelle.

« Ce livre a été écrit à quatre mains. L’une des narratrices est vivante, l’autre est décédée. » nous prévient le prologue. Agathe l’autrice est devenue Louise dans ce roman construit comme une véritable enquête, qui mélange des documents authentiques et les démarches de Louise. Un roman comme un thriller, une course pour la vérité, qui embarque le lecteur. On s’interroge, on commence à douter. Liane s’est-elle vraiment suicidée ? La fin est étourdissante.

Extrait du journal de Diane « Pendant les nombreuses années de mon enfer, je n’ai jamais été frappée. J’aurais bien aimé, pourtant.  J’aurais aimé prendre des coups, avoir des bleus et des plaies. J’aurais aimé avoir des blessures pour pouvoir les montrer au monde en disant, en hurlant « Regardez ce que je vis ! ». Ça n’a pas été le cas. Je n’ai été blessée qu’à l’âme. (…) Je n’ai jamais osé en parler à l’époque. Intimidée, je n’osais pas répliquer, j’avais trop honte pour aller voir le personnel du collège et je n’en parlais pas non plus chez moi. Et plus je m’embourbais dans le silence, plus il était compliqué d’en parler. »


Le livre de Liane / Agathe Lemaitre – 1harper Collins – mars 2023 – 304p

Lola lit Roman fleuve ♥

Roman Fleuve - 1A la terrasse d’un café parisien, après quelques bières 3 copains trentenaires, amateurs d’aventures, atteints du syndrome de Tom Sawyer, font le pari complètement fou de descendre la Seine jusqu’à la mer. Eté 2018, à bord d’un canoé 2 places de 3m80 ayant appartenu à Véronique Sanson et baptisé Bateau, une tringle et un rideau de douche en guise de mâts et de voile, Hubert l’auteur capitaine écrivain et journaliste, Samuel étudiant brillant et François le major latiniste prennent la mer ou plutôt le fleuve, du pont du Garigliano vers Honfleur. Une aventure à la rencontre du peuple des berges, une galerie de personnages incroyables, extravagants, hauts en couleur, riverains du fleuve. Une histoire d’amitié, d’engueulades, de jalousies, de petites galères. 3 potes sont sur Bateau, parfois l’un tombe à l’eau…

Un roman ambitieux, réjouissant, espiègle et joyeux. Un trio de choc délicieusement hétéroclite et attachant. C’est drôle et même hilarant mais c’est surtout intelligent et très bien documenté, j’ai appris beaucoup de choses follement intéressantes et je me suis bien amusée.

L'écrivain et journaliste Philibert Humm, entre ses deux potes de galère, Samuel et François.


Roman fleuve / Philibert Humm – Editions Equateurs – aout 2022 – 287p

 

Lola lit Petites dents grands crocs

🎶 Petit chat, petit loup 
Petit tigre, petit ours 🎶 
Petites dents, grosses dents  
🎶 Petites griffes, grosses pattes 🎶 
Petite souris, petites pattes 
Petit chiot, petits crocs 🎶

Cette comptine aurait pu rester charmante si Emilie Guillaumin n’en avait pas ponctué son texte, et au fil des pages, la petite chanson se fait inquiétante par les voix de Pierre et Thomas, le mari et le fils de Sarah. Ces deux-là s’entendent bien, très bien, trop bien peut-être, alors que Sarah s’enfonce, perd pied, se noie. Le texte est raconté à la première personne et entrecoupé des pages du journal de la narratrice. Deux ans après leur rencontre, Sarah est tombée enceinte sans désir sous le regard énamouré de Pierre. Pierre l’aime, la comble, devance ses envies, impose les siennes ; on ne sait pas très bien s’il est simplement charmant ou vraiment monstrueux. Par le regard de Sarah son comportement est double, louche, on soupçonne un truc pas net, on attend le coup fatal et on assiste impuissant à la descente aux enfers de Sarah. Car depuis qu’elle a arrêté de travailler aux RH d’un grand groupe pour se consacrer à l’écriture d’un roman, rien ne va plus. Migraines, saignements, perte de cheveux et fatigue intense, le corps de Sarah réagit. Psychologiquement elle se fragilise, s’interroge, souffre et sombre, devient folle. Pourtant de l’extérieur, leur famille paraît idéale.

Un roman âpre, inquiétant qui sonne juste. Sarah nous entraîne dans sa chute, on peut ressentir ses doutes et sa douleur bien que l’on soit un peu perdu aussi, ne sachant démêler le vrai du faux, les actes des chimères, des inventions, des fantasmes. La fin est stupéfiante et un peu écœurante, j’avoue avoir tourné la dernière page avec un vif sentiment de malaise. Un roman qui ne peut pas laisser indifférent !


Petites dents grands crocs / Emilie Guillaumin – Editions Harper Collins – janvier 2023 – 272 pages

Lola lit La grande ourse ♥

La Grande Ourse par AdhémarAvec Bénie soit Sixtine, son premier roman sorti en 2022, Maylis Adhémar m’avait emmenée dans un milieu qui m’était inconnu, l’intégrisme catholique, elle m’avait fait rencontrer des personnages que je n’aurais sans doute jamais croisées. elle récidive avec La grande ourse, son nouveau roman. Me voilà transportée au cœur des Pyrénées, des montagnes que je connais un petit peu, le pays des ours. Attachée à la Slovénie, sensible à la nature, à l’écologie et à la cause animale, la réimplantation des ours slovènes et la médiatisation de la bagarre entre éleveurs pyrénéens et partisans de la réintroduction du plantigrade géant, m’a évidemment intéressée sans que je réussisse à prendre parti pour l’un ou l’autre camp des belligérants.

J’ai donc aimé marcher sur les pas de Zita, la bergère partie parcourir le monde et de retour au pays. J’ai aimé écouter les contes qu’elle murmure à Inès, la fille de son nouvel amoureux bobo toulousain. La famille de Zita est très attachée à sa terre, à ses animaux et à ses méthodes d’élevage traditionnelles et Zita les défendra envers et contre tous, même si elle se pose des questions. Elle va devoir faire des choix importants pour garder sa liberté e son intégrité. Un roman très intéressant, vivant et moderne. J’étais impatiente de retrouver Maylis Adhémar et j’ai retrouvé ce que j’avais aimé dans Bénie soit Sixtine. Alors vite vite un petit troisième ♥


La grande ourse / Maylis Adhémar – Editions Stock – janvier 2023 – 288p

 

 

Lola lit Le secret de Sybil

Un livre très personnel, où l’autrice évoque son amitié idyllique avec Sybil. Elles se rencontrent sur les bancs de l’école primaire, et s’entendent très bien tout de suite. Laurence est fascinée par la chevelure de Sybil qui porte des tresses brunes, épaisses et très longues ; personne ne l’a jamais vue avec les cheveux détachés, c’est le mystère de Sybil. Les deux fillettes partagent un appétit féroce pour la lecture, le savoir et les longues discussions. Ces moments de partage scellent leur relation qui va durer jusqu’au lycée. Dans la famille de Sybil, on est sensible aux apparences, on fréquente la haute société. Il faut donc être parfait, irréprochable ! La mère de Sybil a de l’ambition pour ses enfants. La famille de Laurence est plus fantaisiste, plus libre, plus douce aussi ; il faut trouver sa voie qui n’est pas forcément celle de l’excellence. Au lycée, leur milieu social va les séparer, elles intègrent deux établissements différents. Leur amitié s’étiole, les rdv s’espacent, les jeunes filles s’éloignent. Sybil ne semble pas en souffrir contrairement à Laurence qui gardera un vide qu’elle cherche, dans ce roman, à comprendre. Devenues femmes et mères, elles se revoient une fois ou deux mais Laurence peine à reconnaitre son amie flamboyante dans la triste et fade Sybil adulte. Jusqu’à ce jour, où elle apprend la mort brutale de son amie. L’auteure sait à ce moment qu’elle écrira un jour sur Sybil ; des années plus tard, elle dévoile enfin le secret et son inconsolable chagrin.

Un roman à la plume délicate, aux souvenirs d’un autre temps pourtant pas si lointain. L’autrice parle de son amie, de leur relation, mais aussi des femmes et de leur place dans la société des années 60. Un roman en deux parties plutôt égales, agréable à lire même s’il n’est pas aussi lumineux que les tresses de Sybil.


Le secret de Sybil / Laurence Cossé – Editions Gallimard – janvier 2023 – 144p