Lola lit Les amants du Lutetia

Couverture du livre Les Amants du LutetiaUn jour de novembre 2013, le couple Cazes s’est suicidé. Georgette et Bernard, 86 ans, ont été retrouvés allongés main dans la main, sur le lit d’une chambre de l’hôtel Lutetia à Paris. Ils sont mort étouffés, la tête enfermée dans un sac plastique, pour dénoncer l’interdiction par la France de laisser les citoyens décider de leur mort, d’être assisté en cela et de « sereinement quitter la vie » dans un lieu symbolique de la Seconde Guerre Mondiale.

Emilie Frèche renomme les amants du Lutétia et en fait des publicitaires très influents des années 80. Ezra et Maud ont formé un couple fusionnel, ils ont voyagé autour du monde, participé et organisé des fêtes grandioses, rempli leur appartement et leur maison de pièces d’artistes, ont rencontré les plus grands. Ils ont eu une voie foisonnante, ils étaient riches et libres, ont célébré la vie, lourds d’un passé noir qui les a laissés orphelins mais ensemble pour toujours. Le 1er septembre 2018 jour de la rentrée, Eléonore, la narratrice et fille unique de ce couple inséparable, apprend le suicide de ses parents. Elle va mettre 384pages à décider si elle va signer les papiers de succession et ainsi leur pardonner leur mort, et leur vie aussi car Eléonore a souffert de ne jamais avoir été au centre de leur petite famille, elle a manqué d’amour et n’a jamais trouvé sa place entre ce père et cette mère plus  préoccupés de leur couple que de leur petite fille née par accident. Simon, le fils unique de Eléonore s’oppose à sa mère, il n’a que de merveilleux souvenirs de ses grands-parents, il a passé ses plus beaux étés à la Bulle leur fantastique maison ovoïde dessinée par Jacques Couëlle, au bord de la Méditerranée, et trouve leur geste si admirable qu’il crée un compte instagram Les Amants du Lutetia qui très vite atteint un nombre vertigineux de followers. Eléonore se sent perdue, elle cherche de l’aide auprès d’un psy conseillé par son très proche ex-mari.

Un roman réussi parce qu’on balance entre réalité et fiction, j’ai vraiment eu l’impression de lire une autobiographie, tous les éléments de cette époque sont là, l’histoire est vraisemblable et touchante. 384p pour dire le drame de perdre ses parents, par suicide qui plus est. Je remercie l’auteure d’avoir définitivement levé mes doutes quant à certains faits, dans une note au lecteur.


Les amants du Lutetia / Emilie Frèche – Editions Albin Michel – aout 2023 – 384p

Lola lit Une belle vie

 Elles sont sœurs : l’aînée Emma et Agathe la petite. Au décès de leur grand-mère adorée Mima, elles se retrouvent dans sa maison une semaine avant que les nouveaux propriétaires n’emménagent. Ça faisait 5 ans qu’elles ne s’étaient pas vues, elles vont vivre dans cette citadelle de leur enfance, pour notre plus grand bonheur de lecteur, une semaine d’émotions, de souvenirs, de questions et de réponses, de règlement de compte et de déclarations d’amour entre rire et larmes.

J’adore les histoires de fratrie. Les frères, les sœurs qui se battent, se déchirent, se disent des horreurs mais qui font bloc devant l’ennemi et lâchent tout immédiatement les uns pour les autres, ces romans me bouleversent. Je ne suis pas lectrice de feel good ou plutôt les livres qui me font du bien n’entrent pas dans ce genre-là mais un de temps en temps quand il est bien écrit (et que je suis dans une période kleenex) je suis partante et celui-ci, je l’ai lu dans la nuit coincée entre Emma et Agathe, des étoiles dans le cœur et les larmes aux yeux.
Un coup de cœur ❤️


Une belle vie / Virginie Grimaldi – Editions Flammarion – mai 2023 – 384p

Cette jolie couverture est celle du collector, sorti le 1er novembre 2023

Lola lit La course des dindes ♥

La longue marche des dindes (BD) par BischoffMissouri été 1860 – Simon est un jeune garçon qui vit chez son oncle depuis le décès de sa mère et le départ de son père. C’est un petit garçon souvent moqué par tous, son oncle et ses cousins, ses copains de classe… Et même si ses résultats scolaires sont mauvais, Simon adore son institutrice. Mais un jour, elle lui annonce qu’elle lui octroie son diplôme et qu’il peut partir, voler de ses propres ailes. Le petit garçon n’est pas très heureux de cette nouvelle car il se demande bien ce qu’il va pouvoir faire, mais son institutrice a confiance en lui, tout va bien se passer. En rentrant à la maison, Simon croise le fermier qui râle car il a trop de dindes et ça lui coûte trop cher en nourriture, il voudrait les vendre mais personne n’en veut. Alors une idée pointe dans le cerveau de Simon ; puisque les dindes ne se vendent pas sur place, il suffit de les emmener là où les gens les achèteront. Il rentre chez lui avec un grand projet il va acheter les dindes du fermier et les transporter jusqu’à Denver où, il l’a appris à l’école, il y a beaucoup de gens qui ont faim. Evidemment son institutrice trouve son idée excellente et s’associe à son projet. Simon part donc pour une aventure de plus de 1000km avec une mule, une vieille cariole, un muletier, le chien Emmet. En chemin, ils vont se faire de nouveaux amis mais croiser aussi des très méchants. 

Une bande dessinée, pleine de tendresse et de douceur. Les personnages sont très attachants, les illustrations jolies, les couleurs tendres, et l’histoire est intéressante. Pour les petits et les grands ♥


La longue marche des dindes / Léonie Bischoff et Kathleen Karr – Editions Rue de sèvres – septembre 2022 – 144p

Une bd adaptée du roman jeunesse éponyme de Kathleen Karr sorti en 1999 à L’école des loisirs. J’ai très envie de lire le roman !

Lola lit La danseuse

La danseuse par ModianoLire Modiano, c’est flâner dans les rues de Paris, s’y perdre, faire des rencontres, s’attabler dans un café avec l’un de ses personnages et regarder passer les gens à travers la vitre légèrement embuée. Lire Modiano, c’est faire une pause, prendre le temps, écouter respirer le monde et ses habitants, se perdre dans les souvenirs, arpenter le passé. Lire Modiano, c’est un bonheur que je ne partage pas, je le garde pour moi, je le lis en secret, sans bruit. Lire Modiano, c’est tellement intime, il faut être dans la retenue, respirer doucement et apprécier chaque mot, chaque silence.

La danseuse, c’est Modiano et j’adore tout simplement ♥


La danseuse / Patrick Modiano – Editions Gallimard – octobre 2023 – 112p

Lola lit Par la force des choses

Par la force des choses par NortonLisa a fait un mariage de raison et a eu Céleste, un unique enfant. Un jour, lors d’un spectacle de l’école, elle croise le regard d’un homme qu’elle reconnait immédiatement. Le 12 juillet 1998 alors que la France entière fêtait la victoire de son équipe de foot, Lisa a vécu un moment inoubliable, une nuit magique, perchée sur un abribus avec un inconnu. Séparés par la foule au petit matin, ignorant tout l’un de l’autre, ils ne s’étaient jamais revus jusqu’à ce spectacle. Cette fois, le hasard pousse Lisa et Victor dans les bras l’un de l’autre et leur amour est passionnel, il va bousculer et bouleverser leur vie et celle de leurs familles. On parle d’amour qui balaye tout sur son passage, de certains choix qui se font par la force des choses, dictés par la morale, les contraintes, enfants, familles, boulots… L’amour, certains lui sacrifient tout, d’autres le sacrifient. 552 pages de passion, d’attente, d’impatience, de lutte, de choix, de sacrifices, de douleur, de déceptions… que je n’ai pas réussi à partager avec les personnages. Peut-être que cette passion ne méritait pas autant de sacrifices finalement. Ce n’est pas mon roman préféré de Claire Norton, ça avait pourtant plutôt bien commencé…


Par la force des choses / Claire Norton – Editions Robert Laffont – septembre 2023 – 552p

Lola lit L’enfant dans le taxi

L’enfant dans le taxi est adolescent et il a parcouru plus de 1000 km pour aller à la rencontre de son père qu’il ne connait pas. M est un enfant illégitime, un bâtard, né des amours de Malusci le grand père du narrateur et d’une jeune allemande en 1945. Bien des années plus tard, lors de l’enterrement de son grand-père, Simon apprend l’existence de cet oncle caché et veut aller à sa rencontre malgré la promesse faite à sa grand-mère d’abandonner immédiatement ses recherches.

Dans ce roman, pas de grands cris, ni de scènes, pas de reproches ni de rancœur et malgré le silence qui entoure l’existence de M. Simon se trouve des alliés qui ont connu et reconnu l’enfant, l’ont accueillis et sont restés en contact. Du lac de Constance au sud de la France en passant par l’Algérie, Simon mène l’enquête.

Un roman élégant et plein de pudeur ; Simon est parcouru d’émotions évidemment comme dans tant de secrets familiaux, surtout qu’il est tout juste séparé de son épouse qu’il continue d’aimer, mais ses émotions sont discrètes et toute en retenue comme l’écriture. Une histoire inspirée de celle de l’auteur qui explore une situation peu exposée : en Allemagne, après 45, « des centaines de milliers d’enfants nés de viols ou d’amours lors des invasions, des occupations et des captivités, sont laissés pour compte ». En France, les « enfants blonds » ou « enfants de boche », nés dans les mêmes circonstances mais de mères françaises et de soldats allemands sous l’occupation entre 40 et 44, sont estimés à plusieurs dizaines de milliers. Il existe des associations où Simon aurait pu trouver de l’aide.


L’enfant dans le taxi / Sylvain Prudhomme – Editions de minuit – aout 2023 – 224p

 

 

 

Lola lit Les dés ♥

Début des années 1900 – Istanbul.
Ziya est le cadet d’une fratrie de 3 garçons. L’aîné, Arif Bey est un caïd redouté et son petit frère l’admire. Mais un jour, Arif est assassiné par un albanais d’un clan ennemi. Hakkî, le benjamin doit sauver l’honneur et venger son frère, mais il ne peut se résoudre à risquer sa vie. Alors le jour du procès, Ziya, en rage, abat de sang-froid l’assassin de son frère. Trop jeune pour être pendu, il n’a que 16 ans, il est emprisonné à perpétuité. Après une année difficile qui endurcit encore son caractère, Ziya qui ne craint plus rien, ni personne, s’évade de prison grâce à des complicités politiques. Le jeune homme est caché en Egypte où il vit libre mais reclus dans une cabane sur le domaine d’un Pacha (dont j’ai oublié le nom). Le médecin dudit Pacha vit sur place avec sa fille Nora, une jeune fille qui trouble Ziya, et lui entrouvre un monde de douceur. Mais le jeune garçon n’est que rage et violence, le sentiment d’amour lui est étranger et il a du mal à comprendre ses émotions qu’il refoule. Un jour Nora doit rentrer en France et Ziya, de détresse, s’enivre toute la nuit et rate le départ de celle qui comptait tant pour lui. Bientôt la vie se rappelle à Ziya qui doit retourner à Istanbul et prendre la place de caïd laissée par Arif. Ziya est un personnage sombre, dur, qui ne craint pas la mort, ni la sienne, ni celles des autres. La violence qui l’habite et qu’il essaie pourtant de contenir est si puissante, qu’elle fait de lui un homme redoutable et redouté.
L’auteur autopsie son personnage, et nous fait pénétrer dans la psyché tourmentée de Ziya avec une écriture ciselée, sans superflu. 208 pages intenses, maitrisées et néanmoins abordables : la noirceur est dans le personnage pas dans l’écriture.
J’ai beaucoup aimé ♥


Les dés / Ahmet Altan – Editions Actes Sud – octobre 2023 – 208p 

traduit par Julien Lapeyre de Cabanes

Lola lit Triste tigre ♥

Je n’ai pas lu un récit, ni un témoignage, ni un essai. J’ai eu l’impression de « lire » un peu tout ça mélangé, une conversation, une réflexion, comme si l’autrice me parlait de l’inceste, à travers son expérience bien sûr, mais aussi en citant quelques autrices, d’autres écrits, d’autres histoires. L’autrice m’a livré, en toute sincérité et avec vérité, ce qu’elle pensait de l’inceste, comment il pouvait être vécu, comment il « construisait » les victimes, le tout avec une certaine distance d’où s’échappe parfois, toute maîtrisée, la douleur d’une femme qui regarde la petite fille qu’elle a été.

J’en ressors tourneboulée parce que je n’arrive pas vraiment à mettre de mots sur cette lecture prégnante. D’habitude, les histoires d’inceste me bouleversent, me mettent en rage, me laissent pantelante (parce que j’ai 4 enfants, 2♀ et 2♂ ?). Mais Triste tigre est différent, parce qu’on sent que ce n’est pas une thérapie, ni un désir de vengeance, ce n’est pas pour se consoler, ni pour enseigner, il n’y a pas de compte à régler, c’est juste posé là pour être lu et ça résonne pour moi dans cette phrase page 113  » Je suis comme ci et comme ça, et tous ces ci et ça dérivent directement de l’enfance que j’ai eue. »


Triste tigre / Neige Sinno – Editions P.O.L – aout 2023 – 288p

Lola lit Humus

Kevin et Arthur sont étudiants ingénieurs en agronomie à AgroParisTech Saclay. Suite à une conférence de Marcel Combe, spécialiste mondialement reconnu, sur les lombrics, les deux nouveaux amis se passionnent pour la géodrilologie, la science des vers de terre. Ils décident tous les deux d’y consacrer leur carrière et leur vie. Mais les deux amis vont prendre des chemins différents pour redorer l’image des lombrics : la rencontre avec la bobo Philippine permet à Kevin de monter une start up spécialisée dans la gestion des déchets par les vers de terre. Arthur quant à lui s’installe avec Anne chez son défunt grand-père, agriculteur empoisonneur, pour redonner vie à la terre. Quand Kevin s’embourbe dans le capitalisme, l’argent, le mensonge, Arthur se désole que sa terre ne reprenne pas vie malgré toute l’énergie et l’enthousiasme qu’il y consacre. Les chemins des deux amis vont se croiser pour aussitôt se séparer et se croiser encore…

Tout d’abord, j’ai appris quantité de choses dans ce roman : sur les vers de terre bien sûr mais aussi sur l’agroécologie, le capitalisme vert… J’ai aussi découvert de nouveaux termes, comme Les Bifurqueurs (j’avais entendu parler du mouvement mais j’ignorais son nom). Et même si certains longs passages sont trop techniques et très ennuyeux, même si les personnages ne sont pas du tout attachants voire décevants, l’ensemble fait réfléchir, jusqu’à la fin que je n’aurais pu/voulu imaginer.


Humus / Gaspard Kœnig – Éditions de l’Observatoire – aout 2023 – 384 p

Lola lit Les silences des pères

Amine est un pianiste renommé sollicité dans le monde entier. Lorsqu’il apprend le décès de son père, il doit se rendre auprès de ses sœurs, à Trappes, la ville de son enfance, 22 ans après l’avoir quittée avec la ferme intention de n’y jamais revenir ; Amine espère que ce sera une formalité, il a un concert important et n’a pas envie de s’éterniser. Mais il découvre par hasard, dissimulés derrière le tablier de la baignoire, des cassettes audio et un magnéto. Il écoute alors la voix de son père qui raconte sa vie en France de 1965 à 2006, à son propre père resté au Maroc. Cette voix qu’il a si peu entendue le bouleverse. Son père s’entourait de silence, Amine avait l’impression qu’il ne s’intéressait pas à lui. Le fils part alors sur les traces de son père, à la rencontre de ceux qui l’ont croisé, accompagné, aimé. Il comprend alors de quoi les silences paternels étaient faits.

Un roman sur la relation entre un fils et son père mais aussi sur l’immigration et la mémoire. Amine apprend ce que son jeune père a vécu en arrivant en France : les humiliations, la dureté du quotidien, l’exil, la solitude, le sacrifice mais aussi l’amitié, la solidarité, le compagnonnage. Amine découvre son père, l’énergie de son père, son humour, sa verve, ses engagements, sa tristesse aussi d’avoir dû abandonner un amour, sa déception.

Un texte bouleversant, plein de pudeur et de justesse ! 

Avez-vous lu son roman précédent Voyage au bout de l’enfance ? Sublime !


Les silences des pères / Rachid Benzine – Editions du Seuil – aout 2023 – 176p